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2019 : Les arpenteurs

Terres du Haut Languedoc

mardi 6 août 2019, par Sylvie Terrier

Marcher le matin et sentir combien on est vivant. Que la marche se passe en ville ou dans la nature peu importe. Cette perception est facilitée par le mouvement des pas, par la mise en mouvement du corps.
Perception puis prise de conscience que l’on est dans l’en vie.

Nous marchons de plus en plus. Chaque week end, il nous faut aller dans la montagne explorer d’autres chemins, d’autres paysages. Nous allons de plus en plus loin, nous nous dépouillons de plus en plus. Abandonnés les chemins bien balisés, GR, GRP et autres chemins jaunes. Nous prenons à présent les chemins noirs, nous traçons nos propres parcours, explorant par la même les terres où nous avons choisi de vivre.

Nous dormons dehors, sans tente, bien que le sol soit dur et les nuits peu reposantes. La nuit fourmille de bruits, de grattements, de craquements. Cette fois, il y avait aussi des claquements. Des carpes qui d’un coup de queue s’élançaient hors de l’eau noire du lac. La nuit, le silence n’existe pas. Curieusement le jour semble plus paisible quand nous traversons les forêts ou lorsque assis sur un rocher face au paysage, rien absolument rien ne vient troubler l’air pur (à part un couple de faucons hier mais ils étaient silencieux).

Nous allons de plus en plus dépouillés, faisant un petit feu le soir pour griller une tranche de viande, n’osant pas le matin rallumer le foyer et déjeunant de quelques tranches de pains (oublié le café en poudre et les bols pour le boire). Nous mangeons léger et l’eau précieuse nous apprenons à la trouver dans les rares villages que nous traversons ou près des sources. Nous grappillons, retrouvant par là-même les gestes ancestraux de la cueillette. Fraises des bois en juin, framboises rubis en juillet, mûres prodigieuses en août. En septembre ce seront les noisettes que nous récolterons et mangerons sur place à l’ombre de la futaie.

Nous avons pris l’habitude d’être seuls, franchissant ces contrées sauvages où les promeneurs ne passent pas puisque que nous sommes hors sentier. Ce midi sur le roc du Montalet, nous nous sommes installés pour pic niquer au pied de la statue de Marie, nous imaginant seuls comme à l’accoutumée. Mais c’était oublier qu’une route passe tout près et que ce sentier était balisé. Les uns et les autres nous ont souhaité bon appétit et c’est moi qui étais gênée d’avoir pris tant (toute ?) de place, de nous avoir pensé seuls au monde. Le paysage nous y poussait, infini des parcelles cultivées, monts et montagnes recouverts de forêts et nous scrutant l’horizon à la recherche de nos repères établis lors de nos balades précédentes, continuant par là-même à dessiner la carte de nos explorations.