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2021 : Sur l’île de fer, El Hierro (2)

lundi 27 décembre 2021, par Sylvie Terrier

31 octobre. La Frontera – Sabinosa, puis Sabinosa – Pozo de Sabinosa, 25,5 km

Nous quittons La Frontera. C’était agréable de rester trois nuits au même endroit, de marcher le sac léger. Nous partons vers notre nouvel hébergement à Sabinosa, plus à l’ouest de l’île. Comme nous ne sommes pas sûrs de trouver l’épicerie du village ouverte, nous transportons du ravitaillement pour deux jours. Les sacs pèsent !

C’est dimanche, le chemin longe le bord de mer, dépasse les plantations d’ananas, il fait chaud. La falaise toujours aussi impressionnante se dresse, une brume épaisse cache le sommet.
- C’est l’étape du déménagement.

Sabinosa s’étire toute blanche trois cent mètres au-dessus de la côte. Elle se niche au pied de la paroi. Pourquoi construire un village en cet endroit si isolé ? A mesure que nous progressons, le village semble se concentrer, se réduire à quelques maisons. Une fois sur place je découvre des habitations fermées, des carcasses de voitures abandonnées, même notre maison nous avons du mal à la trouver et personne à qui demander.

Nos affaires déposées, nous prenons le temps d’un déjeuner dehors sur la terrasse. Je propose ensuite de redescendre vers l’océan, j’ai envie de voir de près la côte déchiquetée par une coulée de lave récente. Raide le descente. Tout le coteau est planté de vignes, des crus rares nous dit-on, issus d’un cépage tenu secret.

Rochers d’un noir de jais posés sur le sable blanc, bouquets de fleurs jaunes, il n’y a que le bruit des vagues. Le bleu minéral de l’océan, la blancheur glacée de l’écume, tandis qu’au-dessus de la falaise les nuages enfin s’élèvent. Nous sommes sur une langue de terre, la plus occidentale de El Golfo, c’est la première à accueillir le soleil le matin et la dernière à se couvrir d’ombre le soir. Nous courrons après cette lumière dorée, en vain, quand nous sommes près du but, nous nous trouvons à dix kilomètres de notre point de départ, il faut songer à revenir.

Avant de remonter à Sabinosa, arrêt à Pozo de Sabinosa, le « Puits de la Santé » limité à une station thermale, un café restaurant, une plage. Il est trop tard pour se baigner mais toujours temps pour boire un verre. Je goûte un délicieux vin blanc, sec et fruité - un bon cru- qui me donne l’énergie nécessaire pour remonter au pas de course les trois cent mètres de dénivelés qui nous séparent de notre maison avant que la nuit ne tombe.

Nuit. Je sors sur la terrasse. Un chat borgne s’enfuit. Des papillons tournoient autour la lampe extérieure. La nuit écrase l’île de son silence. Je marche jusqu’au bout du jardin afin d’échapper à la lumière. Un noir proche du néant me happe.

1er novembre. Sabinosa- Camino de la Virga, Sabina, Pozo de la Sabinosa- Sabinosa. 25 km, 1285 mètres de dénivelés.

7 heures. l’aube se lève, lune en croissant. Des coqs chantent, une brise légère souffle. Nous avons déjà pris notre petit déjeuner.

Beaucoup de dénivelés prévus aujourd’hui. Nous allons remonter sur la falaise en suivant el camino Sabinosa et nous rapprocher du Malpaso. Puis redescendre sur la pointe sud de l’île à la recherche des sabinas, des arbres rares que l’on ne trouve que sur l’île de El Hierro.

Traversée du village et là, erreur d’aiguillage. Entre les maisons, au lieu de monter vers le mirador de Llania, nous prenons un chemin transversal qui nous entraîne dans des forêts de hêtres et de pins, au sous-bois tapissé de fougères. Nous décidons de couper droit et d’emprunter un chemin singulier (un chemin noir dirait Sylvain Tesson) pour retrouver les crêtes. Personne ici à part nous et ce sentier à peine tracé qui ne nous rassure pas quant à sa finalité.

- Regarde bien autour de toi, peut être vas-tu apercevoir un lézard géant !
J’essaie de plaisanter, histoire de détendre un peu l’atmosphère, mais ce lézard endémique - le Simonyi Galliota – que l’on croyait disparu et dont les plus gros spécimen peuvent atteindre un mètre de long, existe réellement.

Le sentier nous entraîne au cœur de la forêt. Nous allons de plus en plus profond. Une paroi recouverte de végétation nous arrête. A cet endroit coule une source. Un site a été aménagé. Des gouttières creusées dans du bois de genévrier captent l’eau suintante, des réservoirs la conservent. Moment unique, nous avons la sensation d’être descendus dans la matrice secrète de l’île, dans son humidité moussue et d’accéder sans l’avoir recherché aux savoirs-faire des premiers habitants de l’île.

Nous rejoignons enfin les cimes proches du Malpaso. Dans le bleu cru du ciel notre regard est attiré par d’étranges panneaux verts, certains déchirés. Nous nous approchons. Il s’agit de filets à fines mailles et nous comprenons alors leur utilisation. Dressés sur cette zone à forte précipitation, ces filets piègent les minuscules gouttelettes de brouillard qui par condensation deviennent liquides. Une nouvelle astuce pour capturer l’eau.

Descente ensuite sur les versants plus secs de cette partie occidentale de l’île, champs d’herbe sèche, enclos où paissent quelques vaches puis découverte du fameux arbre Sabinas.
A première vue, il me fait mal cet arbre avec son cou tordu à angle droit et sa chevelure jetée sur le côté. Mais de plus près son tronc ciré, son ramage vert, contraste de vie et de mort, font de lui un arbre de résistance, un monument vivant.

Notre chemin traverse un parc qui protège d’autres sabinas. Ces arbres ne sont pas aussi célèbres que celui de la photo car inaccessibles en voiture. Moment de découverte unique, j’aimerais passer des heures à les chercher, les photographier sous toutes leurs formes afin de raconter leur résilience.

Le sentier longe ensuite une muraille de pierres rouillées qui semble suturer la peau de l’île pour former un immense enclos. Une muraille dont nous ne voyons ni le début ni la fin et là aussi je regrette de passer trop vite, car l’heure tourne et nous sommes encore loin de notre point d’arrivée.

Chiens fins comme des chacals et en meute. Sifflements, leurs maîtres - deux hommes, des chasseurs au furet- ne sont pas loin, couleur des rochers, munis de longs bâtons. Ils s’éloignent doucement de nous, à cause des chiens où peut être aussi parce qu’ils ne souhaitent pas la rencontre.

Observatoire de l’Omo Negro, vue sur la pointe extrême de l’île, le phare d’ Ochilla où nous n’irons pas faute de temps et de forces. Sur ma droite une montagne effondrée, rouge oxydé. Du minéral a l’état pur, inaccessible.

Après l’observatoire, nous regagnons la route qui descend en lacets jusqu’au rivage. Repos pour nos pieds que ce bitume noir bien régulier, ces virages doux. Au croisement, petite hésitation, la plage de Varodal et son sable noir ne se trouve qu’à 4 km aller retour, mais le temps tourne, la fatigue monte. Je refrène mon envie de découverte et opte pour la sagesse. Bien joué car regagner Pozo prend encore une bonne heure et demi de marche rapide et ensuite il faudra remonter vers Sabinosa.
Bon j’avoue, on s’est quand même arrêté boire un verre de vin blanc au café de Pozo, mais sans ce petit plaisir, comment trouver encore l’énergie d’affronter, dans une demi obscurité les trois cent mètres de dénivelés jusqu’à notre maison ?

2 novembre. Sabinosa – El Pinar (Taibique). 24 km

6 heures, le réveil sonne. Nouvelle étape, nouveau déménagement.
Aujourd’hui, nous allons passer de l’autre côté de l’île, sur son versant le plus septentrional. Nous nous arrêterons sur les hauteurs de Taibique, cinq cents mètres au-dessus de La Ratinga, la ville la plus au sud. En route pour 1600 mètres de dénivelés ! (1100 mètres de montée, 500 mètres de descente).

Douce fraîcheur de l’air, ciel pur sans nuage. Les sacs pèsent mais nos muscles fonctionnent à merveille. Nous nous sentons en pleine forme. Rien ne peut nous arrêter.
Nous arrivons sur le même plateau qu’hier, champs desséchés, murets de pierres sèches, enclos désertés par le bétail. Petit détour au célèbre ermitage de los Reyes, histoire de prendre quelques photos. Moi c’est plutôt la statue du berger et son chien qui m’a touchée.

L’attrait de l’inconnu me prend une fois encore. Je me réjouis de découvrir une nouvelle face de l’île. Le paysage se déploie, mélange de sécheresse et de forêts d’altitude, pins canariens à longues aiguilles, pierres de lave rouge. En contre bas l’océan s’estompe, flouté par le lointain.

La chaleur devient intense, le sol de plus en plus aride, les pierres de plus en plus mordantes. Le sentier monte et descend sans discontinuer. C’est le chemin des bergers, « el camino des pastores ». Au fil des heures la fatigue ou plutôt la lassitude liée à la répétition des mouvements nous gagne. Les sacs pèsent, nous avons soif et faim. Arrêt au pied d’un muret à l’ombre des pins.
Après la pause, nous décidons de poursuivre sur la route goudronnée. La forêt se densifie, les pins grandissent, certains deviennent majestueux comme des chênes. Leur tronc buriné parfois carbonisé semble défier le temps comme l’incendie. Sur le sol, leurs aiguilles forment un épais tapis roux, empêchant toute autre forme de végétation.

Descente de brouillard soudain. Alternance de chaud et de froid, le bleu franc du ciel dégagé, le blanc glacé du brouillard. Nos jambes avalent les kilomètres mécaniquement, nos pieds chauffent sur le bitume. Bientôt les premiers signes d’une occupation humaine apparaissent. Des figuiers singuliers, telles des méduses échouées nous escortent.

Nous arrivons à Taibique par le haut du village, jardins et champs de tomates, vignes rampantes, enclos et murets de pierre sèche. Un village tout en verticalité. Nous cherchons un café et le trouvons sans peine, portes grandes ouvertes sur la rue. A l’intérieur il fait sombre, des vieux jouent aux dominos par groupe de quatre, le masque sur le nez. Je commande un verre de vin blanc local. Alors que nous nous détendons, heureux de déposer notre fatigue, une coulée de brouillard s’engouffre dans le café.

Notre maison pour trois jours se place au-delà de toute attente. C’est une maison d’artiste puissante en couleurs, foisonnante de détails. Le portail était simplement tiré, nous sommes entrés dans un jardin d’éden, orangers aux fruits éclatés, mobilier de jardin de couleurs vives, partout des plantes, dans des pots hétéroclites. L’entrée se fait par la chambre, ouverte sur une terrasse. La cuisine, la salle à manger se trouvent au sous sol. Sur les murs des photos noir et blanc, des peintures. Sur les tables de beaux objets massifs. Un mobilier de cuir et de bois, des matières nobles.

J’adore instantanément cette maison, mélange de moderne (photographie d’une tête de chien dans un caisson éclairé, j’ai l’impression qu’il va se retourner et vernir vers vers nous) et de bâti traditionnel (le plafond de notre chambre est constitué de branches écorcées et cirés). Lit immense et couette profonde pour des nuits d’amour.
Cette nuit, par la fenêtre ouverte le ciel se révèle. Noir et sans étoile.

3 novembre. Taibique – Tacoron- La Rastinga – Taibique (en bus). 16,5 km

Je n’arrive pas à photographier les figuiers de Taibique. Je tourne autour, ils m’échappent. Sur mes photos ils figurent, pâles et dépouillés. Et pourtant, même morts, ils sont le paysage.

Descente tout en douceur vers l’océan, le sac léger. Paysage de lave rouge puis noire, passages en ocre jaune. Rien ne pousse ici et je comprends alors pourquoi les hommes se sont installés en altitude près du brouillard, à la recherche de l’humidité des arbres, proches du ruissellement des pluies. J’admire leur opiniâtreté pour transformer le sol, l’organiser en terrasses, capturer et canaliser l’eau, rendre les champs fertiles. En traversant le village ce matin, j’ai remarqué avec quel soin chacun a déposé devant sa maison un signe de végétation, une plante en pot, un arbuste, un buisson. J’ai même trouvé s’échappant d’un jardin, une magnifique verveine.

Pour le moment nous arrivons à playa de Tacaron avec l’envie de nous baigner. Ce paysage désertique nous a desséché.

Mon œil scrute le rivage. Des rochers, des paillotes aménagées avec tables et barbecues pour pic niquer. Pas de plage mais un accès à la mer sécurisé dans une baie calme à l’eau limpide. Lieu paisible, à l’écart du monde. Des touristes passent, regardent et repartent sans se baigner. Visiblement, ceux qui viennent à El Hierro pour les plages seront déçus.

Baignade rapide, la mer change sans cesse, calme puis houleuse. Pause casse-croûte sous les paillotes, déjà il nous faut songer à remonter.

Méchant le dénivelé. Nos pieds fatiguent, notre regard se lasse de tant de minéralité. Nous abandonnons le sentier et poursuivons sur une belle route d’asphalte où circulent quelques rares voitures de location. A cet instant de notre périple, nous savons déjà qu’une fois atteint le petit port de la Restinga nous remonterons chez nous en bus guagua. Nous avons assez marché pour la journée.

Au port, café et bière devant les voiliers de plaisance. Arrivée tout en douceur d’un groupe de plongeurs en canot pneumatique. La Mer de las Calmas offre en cet endroit d’exceptionnelles explorations sous-marines suite à une éruption volcanique en pleine mer il y a une dizaine d’années.

Je regarde autour de moi. Les maisons blanches, les palmiers, les cafés et restaurants, le petit port tranquille font de Restinga un lieu de villégiature. Pour preuve ces jeunes touristes à la démarche débonnaire, ces couples d’allemands attablés devant des plats de poisson. La vie semble bien paisible ici. Trop paisible ?

Je préfère Taibique et son café local, ses habitants agriculteurs et surtout, notre maison.
Je suis ravie de la retrouver. Cette maison m’inspire.
J’ai l’impression que nous habitons non seulement une maison d’artiste mais aussi chez l’artiste. Il a voyagé, je découvre des épices indiennes, des sauces japonaises. D’ailleurs ce livre, ces visages, n’en serait il pas l’auteur ? Et ces photographies dans ces revues, ne seraient-elles pas de lui ? Rien ne le précisait dans l’annonce de location. Je me lance alors dans une recherche approfondie et je trouve. L’artiste est né à Taibique. Il est photographe et vit à Madrid. Son nom ? Alexis W.

Nuit. Je dors d’une traite pendant quatre heures et puis je me réveille. Je prends conscience de l’endroit où je me trouve, le lit, la maison, le village, l’île, l’océan, la terre. Cette sensation d’être au monde me rend intensément heureuse. Je me rendors par tranche de deux heures. 2h30, 4h30, 6h30… Je fais des rêves étranges, longs, structurés. Des personnages du passé reviennent, mémoire ineffaçable.
Au matin, amour devant le soleil levant, à la fenêtre.

4 novembre. Taibique- Valverde. Par la route de l’agua et l’arbre sacré. 22 km

Le chemin démarre au-dessus du village. Il traverse les forêts de pins puis un camping immense et vide.

Ensuite commence la montée, cinq cent mètres de dénivelés sur une piste forestière plus adaptée aux camions qu’à nos jambes. Nous sommes loin des chemins vernaculaires, savamment élaborés qui accompagnent l’homme dans son effort.
Nous voici sur la crête de l’île, à 1300 mètres d’altitude, dans le vent et notre sueur. Les nuages nous volent le soleil. Impossible une fois encore d’apercevoir le pic Malpaso, nous sommes vraiment maudits !

Débute ensuite une longue descente sur le GR 131, le Camino de la Virgen que nous connaissons puisque nous sommes venus par là quelques jours plus tôt. Repas dans l’air glacé vite expédié. Le temps se fait capricieux aujourd’hui. Nous nous réchauffons autour d’un bon café à San Andres et décidons de changer de chemin. Ce GR, celui-là même qu’empruntent les pèlerins durant la fête de la vierge, nous semble trop facile, trop large et puis curieusement avec ce temps gris la magie de la Mezzeta n’opère pas.

Nous choisissons le chemin de l’eau (c’est fou le nombre de chemin que l’on trouve dès lors que l’on décide de quitter la voie principale). Nous allons chercher l’arbre de Garoé, l’arbre sacré des Bimbaches, premiers habitants de l’île. Le chemin nous conduit sur un autre versant. Nous abandonnons le plateau sec et les pâturages pour des pentes végétalisées, plongées dans le brouillard. Impossible de prendre en photo ce magnifique paysage qui se laisse entrevoir et se referme aussitôt. Par contre nous comprenons pourquoi les anciens de l’île ont installé leur arbre fontaine en cet endroit. L’humidité est telle que les arbres retiennent l’eau qui glisse sur leur feuillage. Il suffit alors de la récupérer puis le conserver dans de grands réservoirs sous-terrains.

Le chemin se poursuit à travers une forêt d’arbres géants, sous des tunnels de mousse et de lichen. Nous cheminons de colline en colline et le temps passe, le soir commence à tomber. Il fait presque nuit quand nous arrivons à Valverde.

Nous avons réservé une nuit d’hôtel. Personne à l’accueil. Attente pendant plus d’une heure mais pas d’inquiétude quelqu’un va venir. En effet une dame arrive pâle et fatiguée, le visage triste sous son masque noir. Nous donne la clef. J’essaie un petit mot gentil, si elle a souri nous ne l’avons pas vu.

Le vent souffle sur la véranda comme si nous étions à la proue d’un navire. La vue sur la mer doit être magnifique de jour, mais ce ne sont que les lumières orangées de la cathédrale Santa Maria de la Concepción qui illuminent le ciel noir.
Ce soir demi poulet grillé avec sa garniture. Le digestif est offert par le patron.
- Herbas o Jägermeister ?
Herbas voyons !

5 novembre. Valverde - La Caleta- Aéroport. 8km

J’ai mal dormi. Bruit du chauffe-eau, bruit du vent dehors sur la bastingage, lit trop chaud.

Il est temps d’aller prendre un bon petit déjeuner au café en bas de l’hôtel. C’est effervescence ! Tout Valverde semble se retrouver dans ce café. Il y a ceux qui mènent leurs affaires, les collégiennes qui attendent le bus, les couples de locaux, les vieux habitués qui parlent avec leurs mains. Eux sont en manches courtes et nous habillés comme s’il faisait un froid de novembre. Sur les murs bleu layette tout fraîchement repeints, de grandes photographies célèbrent El Hiero, l’océan, les rochers noirs, les vagues écumantes. Deux grandes horloges rappellent le temps à ceux qui n’en ont pas.
Le percolateur tourne à fond, et claquent les tasses sur le comptoir. Les demi-oranges se bousculent dans le pressoir, les sandwichs dorent dans le grill. J’adore cette ambiance, tant inspirante pour l’écriture.

Lente descente vers le rivage. Nous quittons l’île aujourd’hui, nous savourons ce moment. Mes photos sont sombres car le soleil a disparu, noyant le paysage dans le gris. Gris l’océan, voiles de pluie stagnante qui nous font un court instant craindre l’averse.

Nous avons envie de retourner aux piscines de la Caleta.
Nous y sommes seuls, à nous le choix de petite terrasse blanche qui domine les bassins.
Casse- croûte en compagnie de la vierge de Miséricorde. Bleu disparu, bleus délaissés, mer agitée, nous vivons un autre paysage.

Je me sens triste à l’idée de quitter El Hierro. La nostalgie m’étreint.

L’avion décolle, je regarde à travers le hublot. Tout le bleu réapparu, plissé, tendu, ombré. Je vole.
Dans mon carnet j’écris « Revenir à El Hierro ».
- Gravir le pico Malpaso et le photographier sous le soleil
- Nous baigner sur la plage de Varodal et tatouer notre corps de sable noir
- Descendre jusqu’au faro de Ochilla et trouver une nouvelle île
- Séjourner à San Andres, découvrir la vie au ranch, manger de la viande grillée
- …

Surtout, prendre le temps.