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2023 : Comic books in Berlin

bande dessinée et livres d’art

dimanche 22 octobre 2023, par Sylvie Terrier

Berlin, onze années plus tard.

Je retourne à Berlin voir mon fils et grâce à lui, une autre approche de la ville s’offre à moi. Auteur de Bande Dessinée, Paul me fait découvrir Berlin à travers le prisme de la bande dessinée alternative, du comic book et du fanzine. Nous commençons par la visite de Renate, la Berliner Comicbibliothek. Nous irons ensuite à Kreutzberg au festival punk Bilderberg Berlin, puis au Festival international Miss read, The Berlin Art Book Fair, où nous aurons la chance de tenir un stand.

A Berlin, les amateurs de BD alternative trouverons dans le quartier de Mitte, la légendaire Berliner Comicbibliothek Renate, la BDthèque Renate.
Située dans un ancien squat aménagé, dans feu Berlin de l’est, elle a été créée en 1989 par un groupe de copains. De cette époque ne reste aujourd’hui qu’un seul membre, Auge, "l’oeil" en Allemand, soixantenaire à l’allure dégingandée qui essaie de maintenir l’esprit initial du lieu.

Un banc, une table délavée, deux chaises, une plante grimpante livrée à elle même : nous voici devant Renate, une devanture vitrée aux montants de bois, porte d’entrée couverte d’autocolants. Les baies vitrées laissent voir l’intérieur, une librairie classique en somme : des fanzines, des livres d’arts, une table thématique sur Berlin, des prints (posters) accrochés aux murs, une série de T shirt, un présentoir de cartes postales.


La surprise vient quand une fois traversée la librairie, on découvre dans un dédale de pièces, certaines réduites à de simples cagibis, une incroyable collection de bandes dessinées. Je comprends alors que le cœur de Renate c’est cela, une bibliothèque qui depuis le départ a fait le choix de collectionner, conserver Bandes dessinées et comics allant jusqu’à mettre en place un système de prêts pour le public adulte comme enfant.

C’est parti pour la visite !
La bibliothèque c’est 37 000 ouvrages, rassemblés depuis plus de 30 ans. Le classement est simple, il se fait par âge et par langue. Il y a la salle des enfants au rdc, une flèche indique "Bibliothek not the shop" puis dans l’arrière boutique, des espaces et recoins pour les adultes.
Les collections sont classées par ordre alphabétique d’auteur en trois langues, reconnaissables par un scotch de couleur posé sur la tranche en fonction de la langue : blanc pour l’allemand ; , bleu pour l’anglais ; orange pour le français. Il n’y a pas de lumière naturelle mais des lampions aux couleurs délavées. Les livres sont serrés sur des étagères de bois du sol au plafond, une minuscule table et deux chaises permettent de s’assoir pour lire (ou faire des recherches).

Un antre, une caverne, un temple ! Il n’y a pas de mot assez juste pour décrire ce lieu, il faut y aller.

Les collections sont issues des dons de particuliers essentiellement et s’enrichissent continuellement. Une arrière salle sert de stockage et d’archivage, un fonds de livres et BD de référence existe également, à consulter sur place.

Une mini cuisine permet de stocker bières, jus de fruits et vaisselle pour les animations, les rencontres une fois par mois (Stammtisch) autour d’un artiste ou bien encore les ateliers de dessin pour les enfants.

Le fonds a été informatisé pour le prêt, il compte environ 30 000 ouvrages disponibles, enfant compris. Le nombre d’ouvrages empruntables est libre mais le paquet doit entrer dans la bouche du mange livre humoristiquement nommé "ist voll". Quand la bouche est pleine, le nombre de livres prêtés est atteint.

La durée de prêt est fixée à 2 semaines, il n’y a pas de lettre de rappel, Renate fait confiance à ses adhérents.

Le fichier lecteur est manuel. Il compte à ce jour 2528 inscrits. On ne parlera pas de lecteurs actifs ici, le fichier répertorie le nombre d’emprunteurs passés à Renate. Il est devenu en lui même une collection.
L’inscription, annuelle coute 13,50 € pour les adultes et 6,50€ pour les enfants. Il est remis au lecteur une petite carte en carton qui contient au dos toutes les informations nécessaires :

Horaires d’ouverture :
mercredi 17-20h
jeudi 17-20h
vendredi 14-19
samedi 13-18
Tel 030-521-358 07
bibliothek@renatecomics.de
adresse : Tucholskystrasse 32 10 117 Berlin

Le fonctionnement de Renate est auto-géré et soutenu par des bénévoles de tout âge. Il est de mise pour les nouveaux artistes de "passer" par Renate pour se faire connaitre et découvrir le réseau alternatif de la Bande Dessinée berlinoise.

Une première opportunité peut d’ailleurs s’offrir à eux à travers le zine que publie Renate en auto édition, environ une fois par an. Le premier "Renate" est sorti en 1989, le dernier vient de paraitre. La thématique de ce numéro 24 à la belle couverture verte, tourne autour des histoires incroyables (Unglaubliche Geschichten). Il est vendu au prix de 10€.

En savoir plus : www.renatecomics.de

Faisons une petite pause sur les bancs d’un Späti au coin de la rue devant une bière ou une limonade à la rhubarbe et poursuivons la suite de notre programme.

Le Bilderberg Berlin a lieu chaque année dans la quartier de Kreutzberg.
Je suis surprise de voir combien ce quartier à changé. Il y a onze ans j’y recherchais des fresques géantes et l’on pouvait encore voir des artistes taguer les murs de briques surgis des friches. Il ne faisant pas bon traverser le parc y compris en plein jour. Aujourd’hui Kreuzberg s’est gentrifié, les squats et kebabs ont disparu (ils se sont déplacés), remplacés par des restaurants, caves à vins et cafés. Le capuccino est devenu un produit de luxe.

Le festival tient le coup toutefois. Il se déroule dans une arrière cour où ont été placées des tables pour la vente de zines. Il ne manque rien, buvette, musique, exposition de planches de dessin, cafeteria. L’ambiance est fluide et bon enfant. Quelques punks, un père avec ses jeunes enfants, tout âge mêlé. Je me sens bien dans cette ambiance hors du commun qui me sort de mon quotidien. Quand la nuit tombe, des bougies sont posées sur les tables et l’on ne voit presque plus rien. Le but n’est pas de vendre, d’ailleurs les tables se retrouvent souvent sans vendeur. On fait un prix approximatif. On laisse quelques zines, on les récupérera plus tard. Il n’y a pas de réelle organisation mais ce n’est qu’en apparence.

Je file écouter de la musique, le groupe est très bon, on est serré, cela n’empêche pas de bouger, la musique s’arrête trop tôt à cause d’une panne subite d’électricité.
Je retourne dans le patio, un brasero a été allumé, il ne fait pas froid, on se rassemble une fois encore, toujours dans cette ambiance fluide et détendue.

J’achète le zine produit pour le festival : Tales from the underage underground. Thème "le travail des enfants". Prix très doux, 5 euros pour un format 17/24 avec couverture en couleur, papier glacé. A l’intérieur les planches réalisées par des adultes et des enfants. Des ateliers ont été menés avec eux sur ce theme. C’est participatif, instructif, collaboratif (mon impression à chaud, il faudrait creuser).

- Mais comment font-ils pour proposer un prix aussi bas ?
Le zine est imprimé en Lithuanie.
Voila, on le sait à Berlin on est pauvre et on a des idées, le refus de la consommation
et des circuits classiques perdure...

Un petit resto ce soir dans le quartier de Prenslauer Berg ? (c’est là où je loge).
Il y a l’embarras du choix et les prix sont doux. C’est un quartier où l’on achète son café en grain à la boutique italienne et où l’on peut manger une fine pizza Lola ou une bonne "pho", soupe traditionnelle vietnamienne. La vie s’écoule, décontractée. Les enfants filent sur leur draizienne, échevelés et rieurs, chaussés de bottes de pluie (alors qu’il fait un temps splendide). Pendant ce temps les parents papotent au kiosque. Des objets attendent dans des cartons un nouveau repreneur : vaisselle, vêtements, livres. On est en pleine ville et le calme règne, je réalise que les vélos sont plus nombreux que les voitures et qu’au printemps les allées doivent bourdonner d’abeilles dans les tilleurs en fleurs.

Ce dimanche, c’est le marathon de Berlin !

Cela ne nous empêche pas une fois passée la Spree de nous rendre à la maison des cultures du monde pour l’exposition annuelle Miss read, The Berlin Art Book Fair.
Mon fils tient un stand et je vais y passer la journée sans me rendre compte du temps qui passe.
Ce Festival international rassemble des maisons d’éditions indépendantes et des artistes créateurs du monde entier. Il dure 3 jours, l’entrée est libre pour les visiteurs. L’expostion est complétée par des rencontres, projections de films et tables rondes.

Cette 13eme édition rassemble 340 exposants de 55 pays. Son but est de créer une communauté de créateurs de livres d’art (art book) et d’aider les petits éditeurs indépendants. Un point particulier a été mis cette année sur les publications venues d’Asie.

- Inouï de se retrouver là !
Et de rencontrer des créateurs comme de côtoyer les grands éditeurs sans se sentir tout petit. Je butine de table en table, les asiatiques sont bien présents, avec des designs puissants et colorés : abcartbook ; Doooogs. Je découvre une petite maison d’édition colombienne Nomada qui propose des livres fins comme du brouillard, sans texte. Les français sont présents avec youpron de Paris ou Gufo de Marseille. Je retrouve Tara Edition, Edition indépendante indienne dont j’ai déjà parlé dans ce blog. Et puis bien sûr, il y a The WEIRD, the craziest, most confidential comic label in Berlin !

Pour en savoir plus :
www.missread.com
www.theweirdcomics.com

Avant de prendre le bus du retour, que diriez vous d’un petit tour au parc ? Toujours dans le quartier de Prenslauer Berg nous voici en quelques enjambées plongés dans de grands espaces de verdure. Et l’art à nouveau nous interpelle.

Ces jeux d’enfants en mosaïque colorée, inspirés des Golems et des monstres de Niki de Saint Phalle, ces tags éphémères inlassablement renouvelés, jusqu’à ces reflets rose cyan et vert acide sur une pièce d’eau au Friedrichain Volkspark tout droit échappés d’un tableau expressionniste allemand du Brücke museum...

Décidemment impossible de fermer l’oeil à Berlin !


Voir en ligne : The house of weird