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2008 : Etats-unis, New York, Bibliothèque de Brooklyn

J’ai rencontré Paul Auster

mercredi 25 mars 2009, par Sylvie Terrier

Quand en avril 2008 nous avons décidé de passer 10 jours à New York, j’ai aussitôt pensé publier un article sur la bibliothèque de Brooklyn.

C’était un bon choix car j’ai eu la chance d’y rencontrer un de mes auteurs favoris, Paul Auster. Paul Auster vit à Brooklyn depuis des années et habite à quelques enjambées de la bibliothèque. Il présentait samedi 12 avril son nouveau roman « Man in the dark » qui sort aux Etats-Unis le 8 août.

Il était tel que je l’avais imaginé, les cheveux gris peignés en arrière, ses yeux un peu globuleux légèrement rétrécis par une paire de lunettes en écailles. Il portait un simple jean et pull noir, des converses. Pas très grand, mince, l’air avenant. Apparemment il connaissait bien le journalise qui l’interviewait. Les questions étaient sans piège. Il a commencé par une longue lecture de son nouveau roman, d’une voix émue au début qui peu à peu s’est affermie. J’ai retrouvé le monde intérieur de son dernier roman traduit en français « Dans le Scriptorium » (Actes Sud 2007). Son nouveau roman raconte l’histoire d’un homme à New York en proie à des insomnies qui laisse venir à lui son inconscient.
Le public était nombreux, des étudiants, des personnes d’un certain âge. La salle silencieuse, moi j’étais séduite par sa voix, ses mains qui parfois s’impatientaient. Paul Auster utilise encore une vieille machine à écrire pour taper ses textes et le monde virtuel n’est pas le sien. Il avoue que ses films ont été un échec et à la question que feriez-vous si vous n’étiez pas écrivain. Il répond : je serai musicien...mais je n’ai aucun talent !

De l’extérieur, la Brooklyn Public Library (PBL) fait penser à un temple avec ses colonnes massives incrustées d’éléments dorés. L’intérieur ressemble à un solarium, une grande coupole laisse entrer la lumière naturelle. C’est immense, impersonnel, anonyme. Conçue par l’architecte Raymond F. Almirall, la bibliothèque a ouvert ses portes au public en 1941 après 29 années de troubles bureaucratiques. Un second étage a été inauguré en 1956. Cette bibliothèque est la cinquième plus grande bibliothèque des Etats-Unis. Ses facilités d’inscription, une pièce d’identité suffit pour devenir membre pas besoin d’adresse, ses missions l’éducation, d’intégration et d’aide sociale aux arrivants en font un lieu unique. Les habitants de Brooklyn sont fiers de leur Bibliothèque.

Site : www.brooklynpubliclibrary.org
Adresse : Grand Army Plazza
Brokklyn, New York 11238

Une fois le seuil franchi, vous êtes arrêté par un policier qui vérifie votre sac. Une dame âgée bénévole est à votre disposition pour toute demande d’information. Il n’y a pas de système antivol. Dans le hall sous la coupole ça sent le pop corn. Quelques panneaux présentent une exposition « Diversity of devotion : Celebrating New York’s spiritual Harmony », en face de vous tel un éventail se déploient les différentes salles des collections et services.
1- La banque de prêts et inscriptions
2- La section jeunesse
3- Le bureau d’informations (tenu par une bibliothécaire, on peut ici faire des dons)
4- La « Popular Library » traduction : la bibliothèque populaire ? On en reparlera.
5- La section langues et littérature de fiction
6- La banque de retours de documents
Une dizaine d’opac pour consulter debout le catalogue se trouvent dans le fond de ce lobby, ainsi qu’un petit café.

Le premier étage épouse la même architecture, avec ses salles réparties en forme d’éventail :
-  La section Sciences, Médecine, Sciences Sociale et Philosophie
-  La section « Brooklyn collection » fonds historique
-  La section « Education & job » + « Information center » pour les nouveaux arrivants et les personnes en difficulté sociale et à la recherche d’un emploi
-  La section d’étude (réservé aux adultes)
-  La section Histoire, Biographies et Religions

La section jeunesse est typiquement américaine. Un mobilier en bois sombre, fonctionnel, résistant. Des présentations de livres (avril mois de la poésie, comme chez nous !), des PC multimédia et une quantité importante rassemblée dans une salle de travail aménagée en mezzanine et surveillée par un policier. Le public ? Des enfants accompagnés de leurs parents, des adolescents. Le tout pas très silencieux. En grande majorité des « black people ».

La section langues et littérature est immense. Une salle tout en longueur, les romans classés par ordre alphabétique d’auteurs, une section en large vision, les romans sentimentaux, « romance » en anglais classés à part. A l’entrée, la section internationale, avec des livres et revues en 36 langues différentes : chinois, français, créole, coréen, japonais, croate, hindi... Sur une table une jeune étudiante travaille, un énorme pot de pop corn contre sa poitrine. Une pratique tout à fait courante et tolérée dans cette bibliothèque.

La section Popular Library m’interpelle. Pourquoi une telle appellation ? Le bibliothécaire que j’interroge me dit avec un grand sourire « parce que c’est ce que les gens aiment ». Mon amie bibliothécaire qui passe une heure avec moi une fois son service terminé me donne une explication plus critique. L’ancienne direction (heureusement cela a changé depuis peu, me dit-elle soulagée) a voulu calquer l’organisation de la bibliothèque sur celle d’une grande libraire. Ainsi les usagers sont pré-orientés et réagissent comme des consommateurs. En effet dans cette Popular Library ont été rassemblés CD, DVD, magasines, nouveautés et une bonne trentaine de PC pour la consultation d’Internet.
— Du coup les usagers ne fréquentent plus les autres salles de la bibliothèque ! » me dit mon amie d’un air désolé.
Anna est d’origine russe. Quand elle est arrivée à Brooklyn, elle a apprécié les services de cette bibliothèque qui a mis à sa disposition et gratuitement, tous les moyens pour faciliter son intégration, comme celui de l’aider à préparer et réussir son test de langue pour avoir sa carte de résident. La bibliothèque de Brooklyn est « extra liberal, a model ! » Anna est très enthousiaste. Elle ne sait pas combien d’agents compte l’équipe, ni combien d’ouvrages contient le réseau des bibliothèques de Brooklyn, 16 sites y compris la PLB. Pas de problème, un coup d’œil sur le site et voici la réponse : 5 millions.
Elle m’installe au bureau des renseignements, à côté d’elle. Quand elle se lève pour chercher une carte de visite, je reste seule. Des étudiants viennent vers moi et me posent des questions. Pour eux je suis de la maison et mon accent français ne les gêne pas.

Je regarde ma montre, la bibliothèque ferme dans un quart d’heure. Au fait quelles sont les heures d’ouverture ?
Lundi 9-18 heures
Mardi 9-21 heures
Mercredi 9-21 heures
Jeudi 9-21 heures
Vendredi 9-18 heures
Samedi 10-18 heures
Dimanche : 13-18 heures
Soit au total, 67 heures d’ouverture hebdomadaire.

Le prêt de documents est gratuit : 100 documents dont 5 DVD et 10 CD. Assommée par la quantité, j’arrive quand même à trouver un inconvénient : si le prêt des documents livres est de 3 semaines, celui des documents multimédia ne dure qu’une semaine. Et les pénalités de retard sont rudes : 2 dollars par jour et par document.

Je flâne un peu du côté du café et m’assois. A ma gauche un homme d’origine africaine, vêtu d’un immense manteau converse avec une vieille femme. Ils parlent mathématiques, calcul métrique. La petite dame est très assidue, la voix de l’homme calme et posée. Je me lance, il est en effet normal aux USA de démarrer à tout moment la conversation.
— Hello, que faites-vous ?
— Je prends des cours de mathématiques.
— Et il est votre enseignant ?
— Oui. Quand j’étais jeune je n’ai pas pu aller à l’école. Pas le temps, il fallait travailler. Maintenant je suis retraitée, alors j’apprends.
— Qu’apprenez-vous ?
— Les mathématiques
— Et c’est gratuit ?
— Non, non je paie, nous avons cours ici, chaque samedi.
Le cours terminé, la petite dame se lève, glisse son cahier dans son sac et d’un pas assuré se dirige vers la sortie.

Dehors il fait grand beau, les incrustations dorées de la façade brillent au soleil. Une mariée africaine se fait prendre en photo avec son mari, yeux baissés. Un couple d’étudiants passe main dans la main. Tiens si nous allons boire une bière du côté du bureau de tabac où « Smoke » le film de Paul Auster fut tourné, il paraît que l’on peut facilement reconnaître l’endroit...

Dans le même quartier, à seulement une station de métro de la bibliothèque se trouve le Brooklyn Museum.
Adresse : 200 Easten Parkway
www.brooklynmuseum.org
Le musée se trouve à deux pas du Botanic Garden, magnifique jardin installé dans le non moins célèbre Prospect Park (un lieu habituel de promenade de Paul Auster). Il vous faudra revenir demain dimanche entre 11 et 18 heures pour visiter une étonnante exposition de l’artiste japonais Murakami. Attention il s’agit de Takashi Murakami et non pas de Haruki Murakami que l’on a lu dans « La course au mouton sauvage », « Kafka au bord de la mer » ou bien encore « Le passage de la nuit ».
Le musée propose une rétrospective des œuvres de l’artiste qui mêle design, animations, mode et art contemporain japonais. Un univers souvent gigantesque, hyper coloré et dynamique qui fait penser au pop art, relooké par l’imaginaire manga.

Pour rentrer à Manhattan, je vous propose une longue promenade à pieds le long de Flatbush Avenue afin de rejoindre le pont de Brooklyn au-dessus de l’Hudson River. Un de mes endroits favoris. Devant vous les lumières de Manhattan commencent à cribler les buildings d’étoiles. En 20 minutes vous êtes de l’autre côté et vous marchez encore. On marche sans cesse à New York. Repérez Broadway Avenue, certainement la plus longue avenue de la ville. On débute la soirée dans les librairies :
-  New York City Stramp : “ 18 miles of books”
828 Brodway at 12th Street
www.strandbooks.com
-  Forbidden Planet (librairie spécialisée BD et comics)
840 Broadway
www.fpnyc.com
www.myspace.com/fpnyc

Il est 21 heures quand vous sortez. Le temps de hâler un taxi, il y en a pléthore et ils sont très bon marché pour gagner Times Square. Un dîner avec music life style BB King, ça vous tente ? Il et minuit quand vous sortez, l’animation bat son plein. L’occasion de constater que la réputation de New York n’est pas surfaite, New York City est vraiment une ville qui ne dort jamais...