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2020 : les boîtes à livres

jeudi 31 décembre 2020, par Sylvie Terrier

Une boîte à livres quelle différence avec le bookcrossing ?

Les bookcrossers ont un adage : « Vous aimez un livre ? Abandonnez-le ». Une plate-forme internet, disponible dans une quinzaine de langues, fait office d’agence de voyages pour livres. Le site www.BookCrossing.com lancé par un informaticien californien en avril 2001, recense pour l’année 2018, 1,8 million de bookcrossers et 12,2 millions de livres libérés dans 132 pays (480 000 livres en France). Chaque ouvrage enregistré reçoit un numéro d’identification qui permet de tracer le livre voyageur. L’histoire de Pi, dans sa version anglaise, est le livre le plus souvent enregistré (50 409 fois). 
 
Certains festivals littéraires encouragent le bookcrossing, par exemple en se joignant aux Journées internationales du livre voyageur, imaginées par la Fête du livre jeunesse de Villeurbanne (Rhône). Des personnes pratiquent également le bookcrossing sans pour autant s’enregistrer sur le site internet. 
 
Alors, une boîte à livres, qu’est-ce que c’est ? 
 
D’après recyclivre, à retrouver sur le site www.boite-a-lire.com, une boîte à livres est une petite bibliothèque de rue où chacun peut déposer et emprunter des livres gratuitement, privilégiant ainsi l’accès à la culture. C’est aussi un projet solidaire qui favorise le lien social, encourage une économie du partage et du don et développe une démarche éco-citoyenne. En déposant ou en empruntant un livre dans une boîte à lire, vous allez lui donner une seconde vie, tout en respectant l’environnement.

Aux origines de l’art de la boîte à livres
Les premières boîtes à livres sont apparues à Graz, en Autriche, en 1991 sous le vocable « bibliothèques ouvertes » (die offene Bibliothek), dans le cadre d’un projet artistique mené par Clegg & Guttmann, un duo d’artistes israéliens qui résident à Berlin et Vienne. « L’idée de départ était de dépasser le ready-made et de poser des questions sociologiques en faisant sortir l’art des murs du musée », explique Martin Guttmann.

À la recherche d’un dispositif faisant dialoguer le musée et la cité, ils ont imaginé « une bibliothèque sans bibliothécaire et sans surveillance ». Ils ont ainsi disposé dans un quartier périphérique trois bibliothèques ouvertes avec l’instruction trilingue suivante (allemand, anglais, turc) : « Vous pouvez prendre des livres pour un temps limité. Dons de livres appréciés ».

Le constat, selon Martin Guttmann :
 « Nous voulions savoir si les visiteurs du musée iraient voir les bibliothèques et si les utilisateurs des bibliothèques iraient au musée. Nous voulions aussi savoir comment les bibliothèques s’inscriraient dans le paysage. Effectivement, les habitants les utilisaient, y déposaient des flyers, y accrochaient des affiches, mais ils ne sont pas allés au musée alors que les visiteurs venaient voir les bibliothèques. »  
 
Le projet a été renouvelé en Allemagne, à Hambourg en 1993 et à Mayence en 1994. Martin Guttmann se souvient : « À Hambourg, nous avons détourné une armoire électrique,, car nous prétendions que les bibliothèques ouvertes font partie du mobilier urbain. À Mayence, l’installation a duré plus longtemps et il me semble qu’elle existe toujours. »  

Un quart de siècle plus tard, les bibliothèques ouvertes de Clegg & Guttmann ont essaimé sur une partie de la planète.

Les boîtes à livres en France
Elles apparaissent un peu partout, dans des lieux de passage, des jardins publics, dans les gares ou stations de transport en commun, près d’écoles ou d’établissements publics. Dans les villages on les trouve souvent près de la mairie.

En 2016, afin de faire connaître le concept et permettre à chacun d’en profiter, l’équipe RecycLivre lance son projet « Boîte à lire », un annuaire collaboratif permettant de répertorier toutes les boîtes à lire existantes en France. Aujourd’hui, plus de 6000 boîtes à lire sont répertoriées sur le site.

L’intérêt pour les boîtes à lire n’a cessé de croître jusqu’à intéresser des collectivités et des entreprises. RecycLivre depuis 2018 propose la fabrication de boîtes à lire, standardisées et éco-responsables.

Lyon’s-Club s’est également inscrit dans une démarche de standardisation et d’homogénéisation des boîtes à livre (photo). www.lionsclubs103co.org. L’opération boîtes à livres Lions, initiée en mars 2016 par l’Association Agir pour la lecture – Vaincre l’illettrisme – Lions Clubs de France est conduite avec le soutien de la Fondation des Lions de France. Les boîtes, toutes semblables et exclusivement urbaines, se reconnaissent à leur couleur bleu et jaune.

Un autre site recense les boîtes à livres en France : www.boite.a.livres.zonelivre.fr
Plus de 3500 boites à livres avec photos sont comptabilisées.

Une boîte à livres, comment ça fonctionne ?
Liberté, gratuité, proximité  
Les principes d’une boîte à livres de résument ainsi :
- Rendre les livres accessibles, sans les contraintes des bibliothèques
- Donner une deuxième vie aux livres : échanger les livres plutôt que les jeter donne un sens très concret à la notion de « durabilité ».
- Créer des chaînes de lectures informelle 
- Valoriser les échanges non-marchand et créant du lien social
Je rajouterai aussi : animer un lieu (parc, un parcours de santé, un bâtiment ancien, une place de village...)

Pour que le système fonctionne, il est nécessaire non seulement de veiller à la solidité et l’étanchéité de la boîte mais aussi à son suivi. Bien souvent les boîtes à livres résultent d’initiatives isolées, portées par des élus, des particuliers ou des associations. Une concertation avec les professionnels du livre pourrait leur faire bénéficier de leur expérience : choix des livres, présentation attirante, tri, rangement.

D’autre part, les habitants confondent parfois recyclage du papier et don de documents. Dans certaines boîtes, on trouve alors de tout, livres déchirés, vieilles revues, publicités, objets sans lien avec la lecture.

Malgré tout, ce libre-service semble d’abord utilisé par des personnes déjà acquises à la lecture. Et malgré les initiatives de recensement et de mise en ligne, il reste impossible de les compter toutes, cela contribue certainement à les rendre encore plus sympathiques.

Bibliothèques autour du monde  
 Je me suis mise à photographier les boîtes à livres à l’occasion de voyages ou de marches au long cours. J’ai découvert une grande variété de modèles. J’en ai trouvé
- dans un frigo
- dans une ancienne cabine téléphonique
- dans un four à pain
- dans un abri bus
- dans une boîte à lettres
- dans un meuble de télévision
- dans un tronc d’arbre
- dans un tonneau
- dans une poussette
- dans un carton

Et aussi quantité d’autres aménagées dans des meubles fabriqués pour l’occasion ou bien récupérés. Certaines étaient bien rangées, d’autres en désordre (à rebrousse poil de nos traditionnelles bibliothèques). Toutes fonctionnaient de manière libre, toutes se pliaient aux aléas de l’extérieur. La dégradation, l’abandon, l’oubli, le détournement faisant partie intégrante du concept.

Le phénomène boîtes à livres (ou boîtes à lire) à pris une telle ampleur aujourd’hui qu’il s’est institutionalisé. On peut en acheter dans le commerce ou sur des sites spécialisés comme manutan-collectivités.fr. Sont proposés aux collectivités des modèles standards, muraux ou sur pied, parmi d’autres articles d’utilité publique.

Et vous lecteurs connaissez vous des boîtes à livres près de chez vous ?

Cet article vous intéresse ? Retrouvez d’autres créations et initiatives originales dans ce livre : Bibliothèques insolites / Alex Johnson ; Editions Jonglez, 2016